Difficile de parler des questions d’identité à Béziers sans faire référence aux positions politiques du maire d’extrême droite. Dans la crise actuelle de l’ASBH rugby, comme en politique, c’est la question d’une identité ouverte ou fermée qui est posée.
Un club de rugby, même professionnel, peut et doit avoir une identité c’est ce qui génère une sorte d’osmose entre un club, une ville et des supporteurs.
Des clubs et par ricochet des villes comme Lourdes, Dax, Mont-de-Marsan, plus près de nous Toulouse et Bordeaux sont par exemple associés aux grandes chevauchées des lignes arrière.
À l’inverse des clubs et des villes comme Toulon, Montferrand, La Rochelle, Brive, Grenoble sont associés au rude combat des avants.
Jusqu’à ces dernières années, le club de rugby de Béziers était plutôt référencé dans la catégorie combat des avants. C’est en effet grâce à un « pack » surpuissant que Béziers a trusté pendant une décennie les titres de champion de France.
Depuis 2020, l’entraineur actuel a su dépasser cette image d’Épinal pour proposer une identité de jeu portée sur les grandes chevauchées des lignes arrière. Lentement mais sûrement les supporteurs sont revenus au stade et une ville s’est remise à vibrer par et pour son équipe.
D’un point de vue sportif, l’ASBH a donc totalement réussi sa mutation identitaire. Il n’en est malheureusement pas de même du point de vue politique.
En prenant la mairie de Béziers, Robert Ménard a tout de suite compris que l’histoire du club était une rente identitaire dont il pouvait profiter.
Pour en profiter, il fallait bien sûr la faire fructifier. Dans son premier mandat, il s’est appuyé sur des dirigeants qui se servaient plus du club qu’ils ne le servait. Leur gestion a d’ailleurs été épinglée par la Chambre régionale des comptes.
Quand il a été avéré que ces dirigeants avaient mis en place un système de malversations, le maire de Béziers les a abandonnés sans les sanctionner.
Avec leur départ est arrivé le feuilleton « émiratis » qui s’est soldé par le suicide de Christophe Dominici. Le moins que l’on puisse dire c’est que le maire de Béziers n’a jamais favorisé cette reprise.
Le club professionnel est d’ailleurs devenu municipal géré et financé par la ville. On peut dater le retour d’une identité fermée à partir de cette reprise.
La seule place que n’a pas occupée Ménard est celle de coach, pour le reste il était de fait président et actionnaire. Le repli identitaire dans une sorte de conglomérat sportif et politique n’a pas aidé à régler le feuilleton des violences conjugales perpétrées par deux joueurs à l’encontre de leur compagne.
Défendus par les dirigeants, l’entraineur et leurs collègues, les 2 joueurs incriminés ont suscité une sorte d’omerta interne totalement cautionnée par la municipalité.
Le moins que l’on puisse dire c’est que cette omerta a été mal perçue par les repreneurs irlandais, anglais et sud-africains. Ce sont eux qui ont imposé, contre l’avis des joueurs et de l’entraîneur, que la reprise d’activité rugbystique soit liée au résultat des procès en cours.
C’est de là que date un nouveau télescopage entre identité ouverte et identité fermée. Les repreneurs en tant que garants de l’image publique du club avaient raison de défendre une ligne de sanction interne.
À partir de là une sorte de dichotomie s’est mise en place. Joueurs, entraineur et ancienne équipe municipale continuaient à fonctionner en vase clos, pendant que les repreneurs pointaient des exigences extérieures de fait boycottées.
Le clash ne pouvait qu’arriver, il s’est présenté sous la forme d’une convocation de l’entraineur par les repreneurs et d’une vérification des objectifs communs.
Sans surprise il s’est avéré qu’il n’y en avait pas. Les repreneurs ont décidé de licencier l’entraineur. Celui-ci a prévenu les joueurs, qui ont décidé d’exprimer publiquement leur soutien à l’entraineur et leur défiance aux repreneurs. Les clubs de supporteurs ont suivi, puis les sponsors locaux, le conseil départemental et l’ancien président de la structure professionnelle.
En clair tout un club, une ville, un département, se retrouvent recroquevillés contre les employeurs. Il est évident que l’histoire ne peut que mal se terminer. Je ne connais pas beaucoup d’employeurs qui acceptent d’être publiquement remis en cause par leurs employés.
L’histoire est partie pour faire un nouveau feuilleton et va vraisemblablement durer tout l’été.
Dans le scénario de départ, il manque encore celui par qui tout est arrivé, le maire de Béziers, mais ça ne saurait durer.
Malgré lui, il va être obligé de se positionner.
Parce que d’une part, c’est lui qui a été chercher les repreneurs et qui a assuré que cette fois-ci contrairement aux émiratis, c’étaient les bons.
Parce que d’autre part, c’est lui qui a mis en place l’identité fermée liée à la gestion municipale.
Ménard va être obligé de choisir entre l’entraîneur, les joueurs, les sponsors, les supporteurs . . . ou les repreneurs.
Dans un choix ou dans l’autre, il sera perdant.
La bombe à retardement de l’ASBH va de plus exploser au pire des moments, pendant la campagne des municipales.
Ménard peut y jouer son siège de maire, car si les repreneurs claquent la porte, le club se retrouve sans budget adéquat et sera rétrogradé. Si à l’inverse, les repreneurs licencient entraîneur, équipe, supporteurs et sponsors, ils se retrouvent avec une coquille vide.
L’identité fermée proposée par le maire va faire exploser le club de rugby de Béziers, c’est triste et c’est dommage, mais ça reste une leçon politique à méditer sur les ravages du poison identitaire.