On l'appelle la "Jurisprudence Bérégovoy-Balladur" . C'est une "pratique" du droit constitutionnel français selon laquelle un ministre mis en cause dans une affaire judiciaire peut être contraint de quitter ses fonctions. C'est une règle non écrite de démission des ministres mis en examen face à la présomption d’innocence et la séparation des pouvoirs.

Les exemples sont nombreux où cette règle a été appliquée, d'autres, beaucoup plus nombreux, où on l'a ignorée  :

1992 : Bernard Tapie quitte ses fonctions avant d’être mis en examen pour abus de bien sociaux. Il sera réintégré à son poste après un non-lieu.

1994 : Alain Carignon quitte ses fonctions avant sa mise en examen pour complicité et recel d’abus de biens sociaux. Gérard Longuet quitte ses fonctions avant sa mise en examen pour recel d’abus de biens sociaux. Il sera relaxé. Michel Roussin démissionne 2 jours avant sa mise en examen pour recel d’abus de biens sociaux.

1999 : Dominique Strauss-Kahn quitte le ministère de l’Économie avant d’être poursuivi pour faux et usage de faux dans l’affaire de la MNEF. Il sera blanchi en 2001.

2013 : Jérôme Cahuzac démissionne avant sa mise en examen pour blanchiment de fraude fiscale.

2017 : François Bayrou, Marielle de Sarnez et Sylvie Goulard démissionnent en juin, après l’ouverture d’une enquête préliminaire sur les soupçons d’emplois fictifs des assistants de députés européens du MoDem.

Par contre, quelquefois, on a fait semblant de l'oublier :

2002 : Renaud Donnedieu de Vabres est nommé ministre alors qu’il était déjà mis en examen pour blanchiment.

2019 : Richard Ferrand mis en cause dans l’affaire des Mutuelles de Bretagne, reste en poste. Il se voit reconnaitre le 31 mars 2021 la prescription des faits, cette décision n’étant pas définitive.

2022 : Le proche collaborateur d'Emmanuel Macron, Alexis Kohler, a été mis en examen le 23 septembre 2022 pour prise illégale d'intérêt. Toujours à son poste!

et puis arrive Eric Dupond-Moretti !

Dès 2021, il est convoqué par la Cour de justice de la République et mis en examen pour prise illégale d’intérêts. Toujours Garde des Sceaux !

Est-ce une entorse (ou pire ?) à la « jurisprudence » dite Bérégovoy-Balladur qui poussait vers la sortie les membres de l’exécutif mis en cause par la justice ?

Dupont-Moretti a utilisé tous les recours possibles pour se sortir de ce guêpier sans succès puisqu'il sera bien jugé par la Cour de la justice de la République avant la fin de l'année.

En effet, la Cour de cassation a débouté le garde des Sceaux, maintenu en poste malgré ses déboires judiciaires, de sa demande d’annulation de son renvoi pour « prise illégale d’intérêts », ouvrant ainsi la voie à un procès inédit, qui pourrait se tenir à la fin de l’année, selon des sources judiciaires.

Décidément cette jurisprudence "Bérégovoy-Balladur" a dû tomber aux oubliettes des bonnes pratiques. Plus personne n'a l'air de s'en souvenir.

Et François Bayrou doit aujourd'hui regretter sa démission !

Mais vous vous rendez compte, le nombre de casseroles que traînent nos responsables politiques !  Et je ne parle même pas de la situation judiciaire de Nicolas Sarkozy, ancien président de la République, une véritable série en plusieurs saisons et dont nous attendons les prochains épisodes. Il a été condamné à de la prison ferme...On imagine De Gaulle sous les douches de Fleury-Mérogis !

Aujourd'hui, c'est un ministre régalien en exercice, qui va comparaître devant la Justice et en plus, c'est le ministre de la Justice ! Mais puisque Elisabeth Borne lui accorde toute sa confiance.....

On dit qu'il faut laisser la Justice faire son travail, (Brèvinfo du 30 Juillet), jusqu'ici elle a plutôt donné raison à La Fontaine :

"Selon que vous serez puissant ou misérable, les jugements de cour vous rendront blanc ou noir" - Fables, Les Animaux malades de la peste (1678).

La peste ? Attention, l'épidémie a déjà commencé !

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