Le 6 novembre 1956, voilà exactement 67 ans, prend fin l'expédition militaire de Suez. Les parachutistes français et britanniques doivent cesser le feu quelques heures à peine après avoir sauté sur le canal et défait les troupes égyptiennes.

Quatre ans plus tôt Nasser arrive à la tête de l'Égypte. Il rêve de moderniser son pays et veut commencer par construire un barrage à Assouan, en amont du Nil, pour régulariser le débit du fleuve, doubler ou tripler les surfaces irriguées du pays et fournir de l'énergie hydroélectrique.

Le devis de ce projet est pharaonique. Le «raïs» égyptien demande aux Américains de l'aider à le financer.

Washington, qui tient à conserver de bonnes relations avec l'Égypte, signe un accord de principe en février 1956.

Mais voilà que Nasser,  neutre jusqu'ici dans la guerre froide qui oppose l'URSS aux États-Unis, formule quelques critiques contre les alliances tissées par les Américains au Moyen-Orient. Qui plus est, dans son souci de préparer une revanche contre Israël, il reçoit des armes du bloc soviétique, notamment de Tchécoslovaquie.

Il n'en faut pas plus pour inquiéter le Sénat américain et, le 19 juillet 1956, le secrétaire d'État John Foster Dulles retire l'offre de prêt américain à l'Égypte et invite la Banque mondiale à en faire autant ! Le 22 juillet, les Soviétiques eux-aussi précisent qu'ils ne veulent pas financer le barrage.

C'est une humiliation amère pour les Égyptiens et leur jeune président de la République. De dépit, Nasser décide de se procurer l'argent en nationalisant le canal de Suez. Il prévoit d'indemniser les actionnaires de la Compagnie, essentiellement français et Britanniques.

Il annonce sa décision à la radio... en l'accompagnant d'un mémorable éclat de rire.

La nationalisation du canal de Suez soulève l'enthousiasme des foules arabes, y compris en Algérie, alors sous occupation française.

Pris de court, les Français et les Britanniques, qui perçoivent les droits de péage sur le canal, protestent mais hésitent sur la conduite à tenir.

Guy Mollet, chef du gouvernement se rallie à l'idée d'une guerre préventive contre l'avis de Pierre Mendès France et du président de la République René Coty. Il est soutenu par le ministre de la Défense mais aussi le ministre de la Justice, un certain François Mitterrand.

Une conférence internationale s'ouvre à Londres le 16 août en vue de trouver un compromis. Les Américains suggèrent un contrôle international du canal mais Nasser le refuse.

Pendant ce temps, dans la discrétion, les militaires français et britanniques acheminent des troupes vers Chypre en toute hâte et les Israéliens se préparent eux-aussi à intervenir.

Le 16 octobre, Anthony Eden et Guy Mollet se mettent d'accord sur le principe d'une intervention militaire mais les Britanniques, craignant de se fâcher avec les Arabes, ne veulent pas se compromettre publiquement dans une action commune avec Israël...

Qu'à cela ne tienne : il est convenu que les Israéliens  attaqueront les Égyptiens et qu'ensuite, Français et Britanniques adresseront un ultimatum aux adversaires et occuperont la zone du canal sous prétexte de les séparer !

 Le 29 octobre, les troupes du général Moshe Dayan se lancent dans le Sinaï. Elles mettent en déroute l'armée égyptienne. Elles sont appuyées en secret par quelques avions de l'armée française préalablement débarrassés des insignes tricolores !

Comme prévu, le 30 octobre, Londres et Paris envoient un ultimatum conjoint au Caire et à Tel Aviv, enjoignant aux combattants de cesser le feu et de se retirer à quelques kilomètres du canal. Israël s'incline mais l'Égypte, comme on peut s'y attendre, rejette l'ultimatum.

Le lendemain 31 octobre, Français et Anglais détruisent au sol les avions égyptiens. Et, les 5 et 6 novembre, les parachutistes sautent sur Port-Saïd, à l'endroit où le canal débouche sur la mer Méditerranée.

À peine les paras français et britanniques touchent-ils terre dans la zone du canal que l'URSS menace d'intervenir avec des fusées intercontinentales à tête nucléaire si l'attaque n'est pas stoppée !

Les États-Unis très remontés contre l'État hébreu, la France et plus encore la Grande-Bretagne qui ont agi sans les avertir,  joignent leurs voix aux Soviétiques pour exiger un cessez-le-feu.

À la Chambre des Communes, à Londres, la majorité conservatrice se fissure. Le Premier ministre, malade et découragé, jette l'éponge. Il annonce sa décision à Guy Mollet et celui-ci ne peut rien faire d'autre que l'imiter.

L'intervention franco-britannique aura duré en tout et pour tout 40 heures et se sera soldée par quelques centaines de morts dont douze Français et dix-neuf Britanniques.

Anglais, Français et Israéliens retirent leurs troupes le 22 décembre. Une force internationale est installée sur la ligne d'armistice.

L'expédition ratée de Suez a des conséquences très graves pour Londres et Paris, qui essuient une grave perte de prestige, en particulier face aux pays émergents du tiers monde. Il apparaît évident que la «diplomatie de la canonnière» telle qu'elle était pratiquée à l'époque coloniale, ne paie plus. L'heure de la décolonisation approche en Algérie et en Afrique noire.

L'URSS et surtout les États-Unis prennent la place des Européens au Moyen-Orient et leur rivalité va rythmer depuis la diplomatie mondiale.

Pour Nasser, la défaite militaire prend l'allure d'un triomphe diplomatique. Son prestige ne va dès lors cesser de croître tant dans son peuple que parmi les déshérités du tiers monde. 

L'Egypte subira une  deuxième défaite militaire face à Israël dans la guerre des Six jours en 1967 ... Aujourd'hui, cette région du monde continue à alimenter la chronique internationale avec un conflit israélo/palestinien qui  a repris le visage de la guerre depuis le 7 Octobre dernier  avec son lot de victimes civiles  ...

... mais c'est une autre Histoire !

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