Pour ce qui concerne les deux religions majoritairement pratiquées en France, catholicisme et protestantisme, les positionnements sont dissemblables. Si durant les années vichystes le protestantisme se singularise par des formes de résistance; il n’en est pas de même pour le catholicisme.

Pour des raisons liées à la thématique de cette série d’articles, qui rend compte des formes de collaboration, nous allons exclusivement rendre compte du positionnement de l’église catholique. Dès sa mise en place en 1940, les autorités ecclésiastiques sont en gros favorables au régime de Vichy et à la Révolution nationale. Leur attitude vis-à-vis de la Collaboration est beaucoup plus prudente.

Bien des évêques s’en tiennent à une consigne simple : « l’Église n’a pas à manifester de soutien partisan ». Pour la majorité des évêques le régime de Vichy est légal, ils recommandent donc l’obéissance.

Très tôt, l’église catholique est sollicitée dans certains de ses bastions pour devenir, sur un mode « vendéen », séparatiste. Aussi bien Monseigneur Liénart à Lille que les évêques bretons vantent les mérites du régionalisme traditionnel vichyste et condamnent le séparatisme. Monseigneur Duparc, évêque de Quimper, termine son « mandement » du 12 juillet 1940 par une formule forte : « Jamais Breton ne fit trahison »

Certains prélats, minoritaires, laissent entendre que la Collaboration a le mérite de soutenir Vichy dans sa lutte contre les juifs, les communistes et les francs-maçons.

À Paris le cardinal Suhart va même jusqu’à envisager un rapprochement avec l’occupant nazi. Ce qui aurait pour effet de défendre l’indépendance de l’église vis-à-vis du gouvernement de Vichy qui souhaite lui enlever l’encadrement de la jeunesse.

D’autres ecclésiastiques, minoritaires eux aussi, pensent que l’Église pourrait servir de médiateur entre les peuples allemand et français et entre les deux États. Le plus radical est le cardinal Baudrillard, recteur de l’Institut catholique jusqu’en 1942, engagé dans un groupe de collaboration, il prône  « l’incontestable caractère chrétien de la croisade hitlérienne » (sic !).

Ces positions ont bien sûr heurté certains membres du clergé plus proches de la population. Le clivage entre prélats « collaborationnistes » et prélats « attentistes » va s’accentuer avec l’exécution des otages et après les rafles de juifs en 1942. Une partie appréciable des fidèles chrétiens se dit choquée, souvent même bouleversée, par la brutalité manifestée par les forces de l’ordre vichystes.

Il avait jusqu’à présent régné, pendant les deux premières années du régime vichyste, une sorte d’indifférence distante. À partir de 1942, des chrétiens s’engagent dans la défense des juifs.

Il est alors adressé un  « Mémoire aux évêques de France » très net : la collaboration est « sur le plan politique une sinistre duperie, sur le plan psychologique une lourde erreur, sur le plan spirituel une démission de la France, sur le plan religieux, une apostasie ». 

À l’inverse de l’Espagne pendant la Guerre civile, il n’y eut donc pas de « croisade religieuse » en France pendant les années de collaboration.

On note par contre un suivisme catholique vis-à-vis du régime vichyste. L’institution religieuse est traversée par des courants contradictoires. Après 1942, les courants critiques face à la collaboration d’État avec le Reich se renforcent dans l’institution catholique. Ils ne se traduiront toutefois pas par un rejet ou une mise à l’écart de la « Révolution nationale » vichyste.

 

Ces notes de lectures sont extraites du livre d’Étienne Fouilloux, Les chrétiens français entre cris et libération (1937-1947), éditions du Seuil en 1997.

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